« Aidant, entre subir et choisir ?

Enjeu individuel et collectif »

Le contexte

La Chartreuse de Neuville a été dans son histoire un lieu d’accueil et d’inclusion. En s’appuyant sur ce patrimoine inspirant, elle renoue aujourd’hui avec l’accueil de publics fragiles et des personnes qui les accompagnent et a retenu comme thématique annuelle, en résonnance avec son histoire hospitalière, la question de l’accompagnement du handicap, de la maladie et du vieillissement pour œuvrer à une société plus inclusive et confiante en l’avenir.

Notre thématique 2021, « Aidant, entre subir et choisir ? Enjeu individuel et collectif », résonne aussi avec l’actualité d’une crise sanitaire qui a révélé nos fragilités et nos forces, à l’échelle individuelle et collective. La pandémie a mis en évidence nos liens d’interdépendance, la frontière poreuse entre autonomie et dépendance, la valeur des liens affectifs et sociaux et l’importance des personnes et professionnels engagés dans le service et le soin à la personne. Elle a également révélé la gravité de décider à la place des plus fragiles, et en leur nom.

Cette thématique résonne enfin avec demain, dans ce « monde d’après » annoncé comme plus solidaire et conscient de l’importance d’interdépendances, facteurs d’équilibre, à l’échelle individuelle et collective.

Au travers de différents temps forts, La Chartreuse de Neuville se propose de réunir des acteurs d’horizons différents et le grand public concerné pour approfondir, questionner, débattre et s’inspirer de solutions en réponse à cet enjeu d’accompagnement et de meilleure compréhension des fragilités.

Les temps forts

Pourquoi est-il important de parler des aidants ?

Et notamment les proches, ceux dont ce n’est pas le métier ? Parce qu’avec l’augmentation des pathologies liées à l’accroissement de l’espérance de vie, la multiplication des maladies chroniques et psychiques et le plébiscite du vivre chez soi le plus longtemps possible par la majorité d’entre nous, il est de moins en moins probable qu’on ne soit pas dans ce rôle, un jour ou l’autre.

On ne choisit pas de devenir aidant. Certains le vivront comme une simple assignation, un devoir, d’autres comme un acte d’amour, une mission… d’autres encore ne voudront pas de cette assignation ou la porteront comme un fardeau. Et parfois ce sera tout cela à la fois…

Rien n’y prépare et beaucoup s’installent dans une situation plus ou moins subie. Mais il y a aussi ceux qui choisiront d’en faire une source de croissance mutuelle.

Certains seront soutenus, d’autres se sentiront démunis, certaines situations favorisant l’isolement ; certains feront appel à de l’aide extérieure, d’autres la refuseront. Parmi les 50% des proches aidants qui ont un métier, certains auront des employeurs compréhensifs, d’autres mettront leur vie professionnelle au second plan, parfois par choix, souvent par la force de la situation.

La société n’aurait-t-elle pas à s’interroger sur cette aide informelle apportée par environ huit millions de proches ? N’aurait-t-elle pas à reconsidérer les métiers de l’aide à la personne et du soin, dont les rémunérations et conditions de travail ne reflètent pas, et la crise l’a mis en avant, le rôle essentiel pour le bien-être de tous ? Pour mieux accompagner tous les aidants, et de fait les personnes dites aidés, n’aurions-nous pas avantage, familles, amis ou employeurs, à comprendre ce qui anime l’aidant, les injonctions qui pèsent sur lui, ce qui se joue dans ces situations où le récit familial est un acteur important, et enfin à mieux prendre en compte les compétences et ressources développées par les personnes fragiles et leurs proches ?

En parallèle, les aidants gagneraient à faire davantage appel aux professionnels en acceptant leurs propres fragilités et sentiments ambivalents.

Enfin, proches aidants et aidants professionnels gagneraient à s’appuyer davantage sur la part et la volonté d’autonomie des personnes qu’ils accompagnent afin que chacun trouve sa juste place dans cette relation humaine et que la personne dite aidée puisse davantage signifier à l’autre le degré d’aide qu’elle souhaite avoir et le degré d’autonomie qu’elle entend avoir…

Qui sont-ils ces aidants ?

Les personnes qui aident régulièrement un proche, malade ou en situation de handicap, et les professionnels de l’aide à domicile et du soin qui gravitent autour d’eux, partagent des équilibres de vie délicats et une charge émotionnelle qui peut sérieusement les affecter ou toucher d’autres dimensions de leur vie… mais aussi des moments de joie, de complicité et d’accomplissement.

 

Quand on parle des aidants, notamment le 6 octobre, lors de la Journée Nationale des Aidants, c’est le plus souvent pour parler du proche aidant qui vit avec la personne aidée ou se rend à son domicile plusieurs fois par semaine. Ces proches aidants qui se reconnaissent avant tout comme conjoint, parent, enfant… seraient environ 11 millions, soit 1 français sur 5 dont environ 4 millions en activité, ballottés entre vie personnelle et professionnelle et leurs autres responsabilités d’enfants et de parents.

En raison de ce rôle qui peut être lourd à porter, les aidants ont beaucoup plus de risques de voir leur santé se fragiliser, de tomber en dépression, de développer une maladie et même, pour les proches aidants âgés de disparaître avant la personne aidée…

Combien s’épuisent à vouloir faire face, seuls ? Combien oublient en chemin ce qu’ils sont avant tout : un conjoint, un enfant, un parent, un professionnel ; jusqu’à oublier aussi parfois l’intérêt de l’aidé et sa capacité à exprimer ce dont il a besoin ? Combien sont trop usés pour entendre les conseils ? Combien commettent sans le vouloir des maladresses ? Combien se sentent indispensables quand ils se rendent en fait indispensables !

L’aide aux aidants s’organise donc progressivement, avec une médiatisation de la diversité des situations de vie. Des mutuelles, des entreprises, des associations commencent à adresser leurs besoins, au premier rang desquels se trouvent l’accès à l’information sur les aides et financements possibles et sur les droits, dont celui de pouvoir souffler, droit au répit inscrit dans la loi mais pas évident à mettre en œuvre.