En 1907, Georges Clémenceau inaugure à la Chartreuse, le sanatorium du Pas-de-calais. Lors de cette journée, il prononce un discours qui restera dans les annales : « A la vie solitaire et sombre à jamais disparue qui s’écoulait dans ces enclos fermés, succèdera au grand jour une vie active et féconde pour le progrès humain ; c’est tout le programme du parti républicain ».
A cette inauguration s’adjoint le docteur Victor Morel, maire de campagne les Hesdin. Ce dernier acquiert la Chartreuse grâce aux fonds collectés par l’association de l’Hôpital Cantonal de Campagne les Hesdin.
Cependant, les rentes réalisées par l’hôpital ne permettent pas la subsistance du bâtiment. Les deux hommes prennent la décision d’installer sur le site des activités annexes, telle une villégiature pour les ouvriers des Chemins de Fer du Nord, une colonie de vacances et enfin un comité d’artistes, appelé également « phalanstère » ici sous le vocable « La Clairière ». Cette appellation, est un hommage à une pièce de théâtre rédigée par Lucien Descaves et Maurice Donnay dont le sujet principal est un exemple de vie communautaire non conventionnelle et utopique.
A l’initiative de ce phalanstère se trouve Jules Rais (écrivain) et Ludmila Savitzky (comédienne et poète) qui géreront et animeront le regroupement jusqu’en 1912.
Le comité de la clairière se réunit pour la première fois le 8 avril 1908 dans la cour d’honneur de la Chartreuse. Cette association se divise en deux parties :
- les membres du conseil dont le président d’honneur est Georges Clémenceau.
- le comité de patronage dont le président d’honneur est Anatole France.
L’ensemble des membres de la Clairière se reconnait dans l’œuvre de Roger Marx, critique et auteur d’un ouvrage engagé L’art social. Le principal propos du livre vise à établir que l’art doit être partagé par tous et pour tous.
A cet effet, de nombreuses représentations artistiques ont lieu à la Chartreuse mais également à l’extérieur dans des villages ou dans les écoles.
De nombreux intellectuels travailleront à faire émerger ce projet auprès de la Société des Gens de Lettres, de grandes Académies et de la presse nationale (Le Figaro, l’Humanité,…).
La première session de l’été 1908 rencontre un vif succès. Près de 40 artistes se rendent à la Chartreuse.
L’année suivante, l’expérience est rééditée et près de 200 personnes se ressourcent à la Chartreuse mais les artistes sont moins nombreux car les candidats viennent désormais de milieux plus populaires.
De grands artistes participeront à l’aura de ce phalanstère :
- Guillaume Apollinaire
- Paul Fort
- Adolphe Gumery
- Georges Isambard, professeur de lettres d’Arthur Rimbaud
- Henri le Sidaner (vice président et peintre)
- Albert Besnard (peintre)
- Gabriel Fabbre (compositeur)
- Georges Desvallières (peintre et président de la Société des Salons d’Automne)
- Pierre Roche (statuaire)
- …
Lors de la première assemblée de « la clairière » plusieurs points sont abordés afin de réglementer l’accueil des participants :
- Les candidats doivent faire parvenir une lettre d’admission ou de recommandation au président de l’association ou au directeur de l’hôpital. Leurs candidatures seront étudiées par le comité de patronage et le conseil d’administration.
- Les candidats acceptés peuvent bénéficier à titre gracieux de quinze jours à un mois de séjour à la Chartreuse. Renouvelable dans des cas exceptionnels.
- Pour l’acheminement des participants, la société des chemins de fer du Nord, accorde gracieusement un billet aller/retour à demi tarif en partance de Paris pour Montreuil sur Mer.
- Les familles peuvent être logées dans les villas (anciens ermitages des pères), qui sont pour l’occasion aménagées comme de véritables maisons avec cuisine, salle de bains, salle de lecture, chambre(s),…
- Les autres ménages et les célibataires sont eux logés dans les ailes aménagés en dortoirs.
- Les repas sont assurés par les ménages qui peuvent se fournir en produits alimentaires dans la ferme attenante, à Montreuil ou à Neuville. Pour ceux qui ne peuvent se préparer à manger seul, un restaurant (indépendant de l’hôpital) est aménagé dans la Chartreuse pour un coût de 2 francs par jour.
- Les participants peuvent bénéficier de soins médicaux gratuits mais les médicaments restent à leur charge.
- La discipline est réduite à son minimum : “L’œuvre compte sur l’esprit d’ordre et de camaraderie des bénéficiaires”. Les locaux et les espaces extérieur sont mis à leur disposition.
Lors des soirées et des évènements, occasion est donnée aux artistes de se mêler aux villégiatures d’ouvriers, d’artisans, d’employés, de professeurs,…
Certaines soirées ont une valeur caritative. Les fonds sont versés soit au bénéfice de l’hôpital soit à l’association de la Clairière qui en fait usage pour les sorties ou remplir la bibliothèque,…
Les évènements culturels qui se déroulent à la Chartreuse sont assez variés, conférences, revues théâtrales, lectures, concerts, récitations de poèmes, soirées “publiques”, auxquels peuvent se joindre des habitants de Neuville et des environs.
Ces évènements se déroulent dans les espaces les mieux adaptés aux représentations comme la grande chapelle pour les concerts, la bibliothèque pour les représentations théâtrales ou le salon de l’évêque pour les expositions.