Une des missions du Centre Cuturel de Rencontre est de favoriser la création, qu’elle soit artistique ou autour de l’innovation sociétale.
Dans ce cadre, des résidences de création sont proposées à des artistes, auteurs, chercheurs ou sur des projets hybrides.
La Chartreuse est aussi un lieu où s’élaborent des projets dont la matière première est l’histoire du bâtiment.
De 1947 à 1998, la Chartreuse de Neuville, propriété du Centre Hospitalier de l’Arrondissement de Montreuil (CHAM), est un hospice-asile accueillant des personnes en situation de handicap mental et/ou moteur, des personnes âgées sans ressources et même dans les premières années, des orphelins et des sortants de prison : toutes ces personnes ont en commun de ne pas être considérées comme “adaptées” à la société.
Comme dans beaucoup d’établissements de ce type, le manque de moyens, humains et matériels, se fait cruellement sentir.
Pour y pallier, une organisation atypique se met en place : les résidents, dans la mesure de leurs capacités et contre versement d’une forme de rémunération, participent au fonctionnement pratique de l’institution (cuisine, blanchisserie, ménage, jardins, assistance aux résidents alités…).
Ajouté au fait que certains soignants et leur famille vivent sur place aux côtés des résidents, ce système permet à chacun de devenir colocataire et collègue de travail : il n’y a plus, d’un côté, des personnes dépendantes et, de l’autre, des soignants mais une communauté de personnes interdépendantes ou chacun trouve place et reconnaissance.
Chaque année depuis 2010, en partenariat avec le CHAM, les anciens de la Chartreuse, résidents et personnels, se retrouvent à la Chartreuse le temps d’une journée. Ces journées ont réuni plus d’une centaine d’ “anciens” ayant pour certains vécu et/ou travaillé près de 50 ans à la Chartreuse de Neuville.
Nous avons convié deux artistes à participer à ces «Journées des Chartreux», nom que donnaient les habitants du territoire aux résidents de l’hospice-asile.
Nous avons proposé, d’une part à Denis Felix, photographe, de réaliser des portraits photographiques de ces anciens résidents, et d’autre part à Véronika Boutinova, autrice, de les interviewer pour en produire des portraits littéraires.
Ce travail créatif restitue toute l’âme et la grandeur humaine de ces personnes, sans discrimination. De sa force surgit l’universalité d’une humanité qui nous interpelle et nous questionne sur les valeurs qui fondent l’architecture d’une société.
Ce demi-siècle essentiel de l’histoire de la Chartreuse de Neuville a profondément inspiré sa nouvelle vocation qui vise à permettre à chacun, quel qu’il soit, de développer ses talents et de prendre part au monde. Cette volonté s’incarne dans un quotidien qui renoue avec cette période. D’une part, de nombreuses personnes dites “fragilisées” apportent leur concours au fonctionnement du lieu et font partie de l’équipe élargie de la Chartreuse de Neuville. D’autre part, l’accueil de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie et de ceux qui les accompagnent, pour des activités culturelles ouvertes à tous et plus tard pour des séjours de répit au sein d’une hôtellerie classique, est un des axes majeurs de l’association.
Cette exposition et son catalogue, outre qu’ils permettront au CHAM et aux anciens de la Chartreuse de Neuville de réhabiliter et de partager cette part de leur histoire, constituent aussi une source d’inspiration tant pour les établissements contemporains d’accueil de personnes âgées et/ou dépendantes, que pour chaque spectateur qui entrera en dialogue avec ces regards riches de mémoire et de valeurs humaines.
Né en 1960, Denis Félix s’intéresse à l’homme et à la nature depuis plus de trente ans en explorant des mondes intérieurs grâce à la chambre photographique grand format.
Spécialisé dans le portrait, il a mené une plongée au long cours dans les visages de celles et ceux qui lui ont offert, l’espace d’un instant, une parcelle de leur âme. Au plus proche des regards, Denis Félix narre, avec la chambre, ce qui ne se raconte qu’en silence : le parcours de toute une vie. Que ce soit en Europe, en Afrique, en Asie ou en Amérique, il adopte toujours une même approche, singulière : c’est en un unique instant de grâce qu’il saisit l’essence de chaque être en n’effectuant qu’un seul cliché, donc une seule image.
Depuis toujours, Denis Félix a fait le choix d’une immersion absolue avec le sujet photographié, qu’il soit humain, animal, minéral ou végétal.
En 2011, les éditions Somogy publient une sélection de portraits réalisés à travers le monde :
Au fil de l’homme (préface de Bernard Giraudeau). Invité à siéger au jury de plusieurs concours de photographie (Polaroid, Ilford, etc.), Denis Félix transmet depuis plusieurs années son art et son savoir-faire à l’occasion de cours de maître organisés par l’École des Gobelins (Paris). Par ailleurs, il a réalisé de nombreuses expositions en France et à l’étranger (Paris, Galway, Toronto, New Delhi, Cape Town, etc.). Denis Félix a reçu des commandes artistiques de grandes fondations (Hermès, Électricité de France, Alstom, etc.) et ses œuvres sont conservées dans des collections patrimoniales (Bibliothèque nationale de France) et dans des collections privées.
Pour le projet “Syn-” que lui propose la Chartreuse de Neuville, il choisit un dispositif de prise de vue lui permettant de réaliser 2 types d’images : des mises en scène et des plans serrés. Ce studio mobile et éphémère intrigue et amuse les anciens résidents. Il instaure au sein des murs séculaires et familiers une communication intuitive et une confiance naturelle. Il autorise ces ” modèles ” d’un jour à se livrer simplement et entièrement, à nous offrir cette présence intense et cette lumière intérieure.
Après un doctorat sur la littérature tchécoslovaque, Veronika Boutinova affirme son européanité, continue ses recherches sur les dramaturgies contemporaines européennes estiennes, le In-yer-face drama et le Théâtre Dans Ta Gueule et enseigne le théâtre. Autrice qui «reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps» (Agamben), interpellée par la Violence, elle éprouve le besoin d’en gratter l’os. Performeuse, plasticienne, photographe qui garde trace de la situation migratoire dans la ville-frontière de Calais, elle parle de son travail dans l’émission «Metropolis» d’Arte (mars 2016).
Publications :
N.I.M.B.Y (Lecture au théâtre du Rond-Point 2010) / Dialogues avec un calendrier bulgare (Festival de Rungis 2014 – A Mots Découverts), Editions L’Espace d’un instant, 2014 / Calais Cul-de-sac, L’Harmattan, 2015 / Décamper, de Lampedusa à Calais, ouvrage collectif, Editions de La Découverte, 2016 / Poète… vos papiers ! pour Asli Erdogan, ouvrage collectif, Editions des Femmes, 2017 /Waël, roi d’Angleterre, Illustré Jeunesse – Editions Une Heure en été, 2019 (traduit en allemand – Wolfgang Barth, en polonais – Mateusz Płazinski, en anglais – Steeve Bones) / Sursum Corda, roman, Editions Le Ver à soie, 2021 / Garance, Editions La Fontaine, Mars 2021.
En création ou en tournée :
L’Homme qui flotte dans ma tête, par la Compagnie L’Embardée – Mars 2021 (Bourse du Nord, résidence d’écriture Villa Marguerite Yourcenar) / Le Cercle de craie calaisien, par la Compagnie Maskantête – Saison 2021-2022 (Bourse Beaumarchais – Aide à la Création ARTCENA) / Gary ? C’est pas un cowboy !, par la Compagnie Grizzli – Saison 2021-2022 (Prix PlatO 2021 / Texte finaliste du Comité de lecture Jeunesse des Ecrivains Associés de Théâtre 2021).
L’exposition est partiellement accessible avec l’entrée “visite libre, accès à l’exposition et aux jardins” (9 €, 4,5 € réduit).
La dernière salle de l’exposition se situe dans la bibliothèque et est accessible en visite guidée (12 €, 6 € réduit)
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